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Archives Mensuelles: août 2011

J’ai bien aimé mon premier jour en gériatrie à miniville.

Parce que c’est la première fois que je vois un hôpital, parce qu’il y avait des élèves infirmières pleines de vie, parce que j’ai fait une sous-cutanée et que j’avais l’impression que c’était le truc le plus important du monde, parce que j’étais occupé toute la journée. La cheftaine surveillante cadre de santé m’a tout présenté, et puis j’ai suivi un peu tout le monde et adopté la technique du « je demande à tout faire tout le temps », donc on m’a laissé tout faire pour que j’arrête de souler. J’ai pas eu trop le temps de voir les patients du coup: bonjour, je pique, pic, c’est les médicaments pour ce soir madame truc, au revoir.

J’ai moins aimé mon deuxième jour.

Parce que c’était plus la première fois de ma vie que je voyais un hôpital, parce qu’il n’y avait plus d’élèves infirmières pleines de vie mais deux aide-soignantes super-mal-baisées et une infirmière avec un piercing sur le nez, ce qui suffit à définir le personnage (non, je généralise pas du tout).

Donc les aide-soignantes. Déjà elles ont eu du mal à comprendre que je ne connais RIEN au service (rien à tout l’hôpital au fait). Elles soupirent quand j’explique que non, je ne sais pas ou se trouve le « truc-vert », quand je mets pas de gant alors qu’il faudrait, quand je mets des gants alors qu’il faudrait pas.

Je me suis fait engueuler parce que j’ai demandé si je pouvais « manger un des gâteaux des vieux » (ouh pas bien), alors qu’elles parlent aux patients à la troisième personne (« Mais non il marche tout seul monsieur truc! Hein il marche ! Ouh ben il s’est fait caca dessus monsieur truc! » Monsieur truc à quelques problèmes de santé mais il a encore toute sa tête ma grande).

Je me fait engueuler parce que j’ai dit « Euh quelqu’un peut m’aider madame chose se casse la gueule »: elle a tilté sur le « casse la gueule », alors que devant madame chose en question, un des dix neurones de cette si charmante aide soignante à fait remonter l’état olfactif de la chambre de son nez délicat à son hypothétique cerveau, celui ci n’ayant pu s’empêcher de faire repartir vers la bouche un sonore « Ce qu’elle pue elle! ». Oh certes, madame chose sent le putois incontinent, mais on aurait pu en discuter dehors. Madame chose n’est pas sénile non plus en fait.

Bon, ça doit être de fréquenter tout plein de gens vieux qui rend aigri.

L’infirmière M avait ce jour la échangé ses horaires, et ça l’emmerdait grave d’être la (ça m’emmerdait grave qu’elle soit la aussi, on était ok sur un point). Alors aider un peu un élève (heureux dès qu’on lui laissait faire la moindre dextro qui plus est) lui apparaissait comme la pire des punitions. L’infirmière M m’a donc gentiment laissé tomber.

Heureusement, jusqu’à 16h, il y avait une seconde équipe. L’infirmière A, très sympa, m’a tout montré, tout laissé faire. Bon, c’est vrai qu’après la 30ème injection de lovenox (anticoagulant donc traitement ou prévention des phlébites, et comme ils sont tous vieux, ils risquent tous d’avoir des phlébites, donc ils ont tous du lovenox) on fini par s’en lasser, mais on se sent un peu utile.

Ah, et y’a sûrement un médecin, mais il a une cape d’invisibilité. Je suspecte l’ordinateur de faire les prescriptions toutes seules.

Donc après le départ de l’équipe à 16h, comme je m’emmerdais, ben j’ai parlé à mes patientes (oui, que des femmes en gros dans le service, c’est étrange d’ailleurs).

Enfin à celles qui vont bien, pas à madame bidule, qui malgré son grand âge conserve une ouïe de compétition et qui croit qu’on s’adresse à elle dès qu’on parle à une autre patiente dans la chambre. Ce qui fait que cette patiente à qui on parle réellement est perdue, que plus personne ne comprend rien et que j’ai envie de  bâillonner madame bidule pour pouvoir continuer tranquilou (ou de mélanger les somnifères avec la compote).

Pas à madame chosemuche non plus, Alzheimer de son état, qui veut me faire des câlins tout le temps: même si elle est affectueuse, je l’ai vu mettre sa main dans sa couche avant le repas.

Pas plus à madame chouette (j’arrive à cours de « machin chose bidule chouette » la il va falloir trouver un autre système dans le futur) qui a attrapé la gale dans sa paisible maison de retraite et qui l’a refilée à tous les résidents, aux soignants la bas, et aux pompiers qui l’avait amenée à l’hôpital, puisque la résidence à malencontreusement omis de prévenir les pompiers et que madame chouette a oublié de préciser ce léger et insignifiant détail. Madame chouette oublie pas mal de truc d’ailleurs. Manger et parler, par exemple. Ca aussi c’est contagieux apparemment, puisqu’elle n’a jamais eu de visites de sa famille.

Ceux la ne sont pas particulièrement attachants… C’est juste un mélange de pitié et de peur par rapport à ce que nous on deviendra. C’est dur aussi de croiser les fils et filles, on leur présente leur maman qui les élevait quelques années plutôt dans un lit, démente ou muette, le regard vide, incontinente, faible…

Mais celles qui ont encore leur tête sont sympas, un peu de repos. Elles sont contentes de discuter (moi aussi d’ailleurs), balancent sur les aides-soignantes (moi aussi d’ailleurs -ouh pas bien-) et en plus j’apprends plein de trucs sur leurs maladies. Tiens d’ailleurs en gériatrie y’a pas vraiment de maladies au final, ils sont juste vieux. Ou plutôt y’en a tellement qu’on les parque ici en attendant que ce soit « moins pire ».

Donc les vieux, on les case la avant de les renvoyer mourir chez eux. On les retourne sans leur parler, même s’ils ont mal. On les change la porte ouverte, alors que la chambre donne sur un point de passage pour deux services. On se fout de leur gueule en leur présence (à la limite faites ça dehors quoi).

Les vieux, tout le monde s’en tape. Et moi pas encore assez, apparemment.

Je pousse la porte de l’amphi C.

Moi qui étais habitué à mon petit lycée de 200 personnes, j’en ai le triple devant moi. Je le savais, je m’étais un peu renseigné, ça fait drôle. L’impression de s’être trompé de porte et de se retrouver à un congrès de l’ONU, les avions en papier en plus. Sans compter qu’il y a un autre amphi en vidéotransmission,le fleuron de la technologie au service de l’éducation qui fonctionne seulement lors de l’alignement parfait de Venus et Jupiter si un écureuil volant traverse l’équateur en faisant un looping au même moment.

Ca fait du monde, et du monde plein de bonne volonté: ils sont la depuis 6h ce matin, et moi qui arrive la bouche en coeur à 7h59 me retrouve relégué au fin fond de la salle (j’apprendrais plus tard qu’on m’avait réservé une place devant mais j’avais toujours rêvé de suivre un cours derrière un poteau).

Le prof arrive donc pour un cours d’Anatomie. Oui, avec une majuscule, parce que l’Anatomie c’est trop la méga classe tu vois regarde le prof il a une blouse tu vois et il explique que c’est parce que l’Anatomie c’est une matière pratique tu vois (d’ailleurs j’ai passé deux ans à dessiner des schémas sans voir un corps humain ou un cadavre mais c’est trop pratique tu vois).

Bref le prof commence son cours de généralités, dessine au tableau et…

Ah, oui, au tableau. Je suis 50 mètres derrière lui, et il dessine sur un tableau vert tout bête ses schémas, ce qui explique les gens qui font la queue devant l’amphi depuis deux heures (la légende raconte que la major de l’année précédente était devant les amphis à 4h30 avec une chaise pliable, rien que de très normal) et s’entretuent pour obtenir une place au deuxième rang pour eux et leurs 50 amis (car ils s’organisent les fourbes, ils tournent et chacun réserve une place pour les autres, ce qui fait qu’une fois le système rodé tu arrives à 7h30 dans un amphi vide mais ou toutes les places sont « réservées » ce qui te donne de légères envies de massacre à la hache).

Donc je note, je note, je me rends compte que la clavicule c’est pas dans le pied (oui, mes connaissances en anatomie se résumaient à pied/jambes/zizi/tête/bras/mains), je me détruis les yeux, je copie discrètement sur mon voisin qui finit par s’en rendre compte et cache sa feuille (esprit d’entraide et de franche camaraderie) (il a raté médecine d’environ 500 places), et je finis par m’énerver tout seul pendant que le prof raconte sa centième anecdote sur son incroyable expérience humanitaire au kurdistan oriental du sud des plaines ou il a sauvé des milliers d’enfants d’une mort certaine rien qu’avec un scalpel rouillé.

Mais au final t’es content, parce que ça ressembles pas au lycée, tu as fait de l’Anatomie (au fait t’as juste appris trois os et deux organes mais bon), et en plus y’a une machine a café dans la fac avec du café-pas-cher-mais-si-tu-regardes-combien-t’as-dépensé-dans-l-année-tu-aurais-pu-arreter-la-famine-en-somalie.

Ca y est, tu es en médecine, tu es grand, tu es fort, le monde est à tes pieds, on t’envoie des soutiens-gorge par la poste, tu es plus beau que Georges Clooney et tu comptes venir en blouse la prochaine fois avec ton stétho autour du cou.

Sauf que oui mais non en fait.

Parce qu’après, il y a chimie.

L’enseignement de la chimie en médecine, c’est un peu comme te faire recopier 500 lignes en mandarin: c’est chiant, tu comprends rien et c’est complètement inutile sans explications et sans pratique. Toi qui te croyais complètement débarrassé de ces matières chiantes, paf on te claque dans les dents 20 formules à savoir par coeur mais qui ne te servirons que pendant une heure de concours. Ce qui fait qu’à la fin du semestre tu as accumulé une quantité impressionnante de connaissances plus inutiles les unes que les autres, tu sais calculer la vitesse instantanée d’un objet sur une pente variable constituée successivement par des cailloux, des rochers, du sable, de l’herbe, avec la force du vent qui change aux temps t1 et t2, mais tu ne sais pas ce qu’est un rhume.

La blouse, ce sera pour plus tard au fait.

J’ai toujours été un élève moyen. J’ai redoublé une classe, j’atteignais péniblement la moyenne, je dormais en maths et je n’ai jamais rien compris à la physique.

Quand on m’a demandé ce que j’allais faire plus tard, j’ai choisi médecine. Sans trop réfléchir d’ailleurs. J’ai cherché un peu comment ça se passait, et j’ai appris qu’il y avait un concours que tout le monde décrivait comme très difficile, impossible, insurmontable, un carnage, une boucherie, des meurtres, des suicides, des dépressions nerveuses, du tranxen.

On m’a donc gentiment fait comprendre que j’avais pas trop trop le profil, que j’étais nul/la honte de la famille/de la ville/de la nation/de l’espèce humaine/un navet, mais j’ai décidé de tenter ma chance. De toute façon je n’avais pas d’autres idées.

J’ai fait ma première première année (P1) et je me suis rétamé comme une merde (ben oui, c’est pas un conte de fée).

J’ai fait ma deuxième première année (PAES) et j’ai réussi.

Passer de dix heures de boulot par mois à dix heures de boulot par jour fut un tantinet difficile. Mais au cours de ma première première année, je suis passé du stade « Je fais médecine par défaut » (donc si je loupe ben je ferais avocat/banquier/fleuriste) au stade « Je veux faire médecine » (donc si je loupe ben je ferais noyé/pendu/punk). Et c’est sûrement pour ça que j’ai réussi (bon, peut-être aussi parce que je j’avais des fiches dans la douche/le frigo/les toilettes/le paquet de clopes/mon Nesquick/mon portefeuille/le cendrier/mes préservatifs/ma trousse/la boite aux lettres/mon lit).

Donc lundi, je commence mon stage infirmier. Je vais voir des vrais gens malades, et pas des conneries de végétaux qui baisent (oui, en médecine, on étudie la reproduction des végétaux, c’est très beaucoup méga super).

Et j’ai pas mal hâte.

Bref, sur ce blog, je vais revenir sur ma P1, ma PAES (oui c’est la même chose mais un mec dans un bureau à La Défense à décidé que PAES c’était vachement plus classe quand même), et parler un peu de ma P2.

Amis néo-PAES, c’est toujours jouable, du courage!